Almodovar connaît Cannes par coeur. Avec Tout sur ma mère, Les étreintes brisées, Volver... il a toujours monté les marches, connu un certain succès public et critique, une belle place sur le palmarès... mais n'est jamais reparti avec la prestigieuse Palme. Et si un film de genre maîtrisé de bout en bout changeait la donne ? Almodovar, qui s'était éloigné des films plus sombres, touche cette fois entièrement au thriller avec La piel que habito, librement adapté d'un roman, sans se départir de ses thèmes de prédilection. Où un chirurgien espagnol renommé met la dernière main à ce qui s'annonce comme une découverte majeure pour le monde médical : la mise au point d'une peau imperméable à toutes agressions. Dans son manoir, il retient une jeune femme. Alitée, elle lui sert de cobaye pour tester chez elle ses dernières découvertes. Des années auparavant, l'homme perdait son épouse, carbonisée dans un accident de voiture. Cette femme est la clé de ses obsessions...

 Une réussite, surtout par la multiplicité des genres et influences dans lequel il pioche. Le film,  tient à la fois du  thriller glaçant à la limite de l'horreur et du drame passionné. La peau qui l'habite, en français, navigue habilement entre deux eaux, influencé par Hitchock (Vertigo, surtout) ou Franju (Les yeux sans visage). A cela s'ajoute un esthétisme érotique troublant. Dans cet univers confiné et froid, Antonio Banderas exerce le rôle du chirurgien. Une « gueule » de cinéma trop rare à l'écran, qui retrouve le cinéaste qui l'a vu débuter dans Le labyrinthe des passions, et à qui l'on prête volontiers ici des airs du docteur Frankenstein piqué par Folamour, dans ce grand récit sous tension qui se joue des apparences.