Remue-méninges chez les Grecs

Une petite salle gorgée de livres, des néons blafards. Bienvenue à l’Espace Philo. À ne pas confondre avec les nombreux cafés-philo, qui « servent à vendre de la bière » balance Serge Zeiller, le fondateur du lieu. Et alors, si on ne peut pas boire une mousse ? Ici, on fait dans le « cours pédagogique sur l’histoire de la philosophie » avec pour breuvage préféré la philosophie grecque, illustrée à coups d’exemples percutants, d'Hitler à Michael Jackson... large, contemporain, voire anachronique, car « tout le monde peut venir ».
C'est qu'à travers la philo, c’est aussi son histoire qu’il raconte : « directeur régional d’une société multinationale, j’étais prétentieux, autoritaire... » Dix tonneaux et un ravin plus loin, le voilà paraplégique. Et puis « en faisant de la kiné, j’en ai profité pour me remuer les méninges ». Devenu « enseignant en philosophie », il claque la porte en 2006 pour créer l’association Humanisme Sans Frontières. Finie la dissertation, place à l'explication de textes.

Dans la salle, les élèves affichent 20, 40, peut-être 77 ans. Thème du jour, d'actualité : "l'écologie est-elle une utopie ?". Entre deux gorgées de thé, le professeur jase, imperturbable. L’amour des Grecs pour la Nature, « la plus grande des artistes », leur méfiance envers la technique, considérée comme une « déformation de la nature »... et de prévenir, grave : « avant de dépolluer la planète, il faudrait dépolluer nos têtes ». Sa théorie : se respecter, respecter la nature, « la pluralité de nos points de vue, qui doit nous enrichir, non nous détruire ». Argument : « le discours écologique n’a aucune portée dans le monde., regardez la Chine ! ». Conclusion : l’écologie est une utopie à favoriser, « tout en ayant conscience deson inaccessibilité ».
Une voix dissidente relève le défi : « c’est injuste, les Chinois sont moins développés que nous ! ». Le professeur écoute, sourit... et rétorque, argumente. Ça vire à la cacophonie : droit de réponse, contre-arguments, avis discordants, la querelle n’en finit plus. Le doyen de la salle aura le dernier mot : « nos désaccords sont à l’échelle des désaccords des Nations. La nature nous rappelle à l’ordre car nous sommes en train de nous auto-détruire ». Enfin un qui a compris la leçon.