Petite, elle habitait une maison « entourée de mafieux », des rues « habituées aux cadavres » : la mafia, « tout le monde savait, personne ne bougeait », sans parler des politiques... C'est l'époque des années 80, « les plus violentes », des attentats visant les juges, les policiers. En plein champ de bataille, deux magistrats, Giovanni Falcone et Paolo Borsellino : à leur actif en quelques mois, plusieurs spectaculaires coups de filet dans le milieu. « Deux héros qui savaient qu'ils allaient y passer ». 1992 : Falcone est victime d'une bombe sur la route de l'aéroport ; même sort deux mois plus tard pour Borsellino, tué devant chez sa mère : « j'avais 12 ans, l'explosion a cassé les vitres de ma maison » se souvient l'intéressée. Et depuis ce jour, un destin : s'enfuir d'abord, la Suisse et le conservatoire de Zurich, puis Bordeaux (depuis juillet 2006), et dès que possible, « faire quelque chose pour eux ».
Un concert, peut-être une manifestation, et "pourquoi ne pas composer quelque chose" propose Stéphane Felici, vice-consule d'Italie à Bordeaux, « une dame exceptionnelle ». Sa réponse ? Un opéra sous forme de cantate, « une symphonie pour choeur, orchestre, solistes et ensemble instrumental » : à l'oreille « pas du contemporain », mais une musique « classico-populaire » laissant place à la mélodie. Surtout des notes entrecoupées « de textes forts, symboliques » en français, en italien ou en latin (« la langue de la justice »), délivrés par le journaliste Gaetano Basile, « un vrai personnage » au pays, « appelé au culot »...
Palermitaine
Elle a fui sa Sicile natale, l'impunité de sa mafia et les assassinats des juges Falcone et Borsellino au début des années 90. 17 ans après, depuis Bordeaux, Maria Luisa Macellaro revient sur les faits, dans son propre langage, symphonique.
Et pour forcer encore le message, un débat, et là-aussi, du culot : « le frère de ma mère est le chauffeur de Mme Borsellino en Italie ; au bout d'un an, j'ai réussi à lui arracher son numéro »... elle participera au débat. L'émission Enquête exclusive se rend en Sicile pour un reportage où « il y avait tout, tout ce qu'on ne peut pas dire, encore moins montrer, en Italie »... son journaliste, Bernard de la Villardière, animera le débat. L'occasion également de se poser les mêmes questions au-delà des Alpes, « du côté du sud de la France ».
Car pendant ce temps, « la Sicile change pour ne pas changer », avec une mafia qui s'adapte, plus discrète, « mais qui gère tout, les poubelles, la mozarella...» Une grâce pourtant : sa cantate verra Palerme le 23 mai prochain (une première) pour célébrer l'anniversaire de la mort des deux juges, « grâce à un homme politique qui veut marquer le coup »... préférant conserver l'anonymat.
Publié le 27/10/2009
Cantate pour la mort de Falcone et Borsellino, le 5 novembre à 20h30 au Théâtre Jean Vilar d'Eysines (précédé du débat) et le 7 novembre à 21h au Théâtre du Casino de Bordeaux. Infos complètes dans l'agenda ou sur www.bordeaux.sortir.eu.