Sortir : La musique, vous l’avez choisie ou c’est elle qui vous a choisi ?
Phiippe Danel :
Nous nous sommes choisis. Des parents musiciens amateurs, de la musique à la maison, et tout naturellement nous avons, mes trois frères et sœur et moi, pris le chemin du conservatoire.

Sortir : Le souvenir de votre première émotion musicale est-il encore vivace ?
P. Danel :
La première, je ne sais pas. Sinon, le souvenir du premier disque acheté avec mon argent, le Carnaval des animaux dirigé par Igor Markevitch. Puis le Mandarin merveilleux de Bartók, un compositeur qui me restera cher. Aussi, l’un des plus anciens concerts symphoniques dont je me souvienne, de l’Orchestre du festival de Lucerne, dirigé par Sergiu Celibidache, avec en particulier la Suite scythe de Prokofiev, orgiaque !

Sortir : Quels ont été les maîtres qui ont comptés pour vous ?
P. Danel :
Sergiu Celibidache, donc, dont j’ai suivi les cours, de direction d’orchestre, de phénoménologie de la musique. Et tous les chefs d’orchestre dont je fus fan, en premier lieu Leonard Bernstein, et bien autres.

Sortir : Avez-vous rêvé d’être un jour interprète ou compositeur ?
P. Danel : 
J’ai pratiqué la direction en amateur, en particulier à la tête d’un orchestre de jeunes musiciens, avec qui nous avons accompli de belles tournées. Une activité que j’ai poursuivie parallèlement à mon activité professionnelle. Jusqu’au jour où, devenu directeur de festival, mon employeur m’a demandé de choisir. Et j’ai choisi, sans regret. Car je n’avais pas toutes les qualités requises pour être un interprète à part entière. Quant à composer, j’ai bien commis quelques morceaux lorsque je faisais partie d’un groupe de rock, mais les choses en sont restées là. Composer, comme interpréter, est un métier auquel je n’étais pas destiné. Et puis, il y a diverses façons d’être créateur.

Sortir : Les musiques que vous aimez ?
P. Danel :
Innombrables. De façon générale, je n’aime pas trop les redites, et privilégie toutes les musiques qui m’apportent quelque chose de neuf. J’essaie d’éviter les préjugés et d’écouter tout ce qui me tombe sous les oreilles, parfois de façon systématique, m’ouvrant ainsi à la possibilité de la découverte, rare mais toujours enthousiasmante.

Sortir : Littérature, art contemporain, cinéma, ce goût pour la transversalité entre les arts s’est développé au fil du temps ?
P. Danel
: Oui. De façon exponentielle. Toute expérience en appelle dix autres. Et il n’y a pas d’expression artistique à laquelle je me sente a priori étranger. Je n’ai comme limite que celle de mon… temps disponible.

Sortir : … et il nourrit votre parcours professionnel un peu atypique ?
P. Danel :
C’est évident. Je suis convaincu que toutes ces expériences se nourrissent l’une l’autre. Et que mon rapport à la musique s’enrichit des films ou des œuvres d’art que j’ai vus, des livres que j’ai lus, etc.

Sortir : Vous êtes aujourd’hui directeur artistique délégué à l’orchestre national de lille, un poste que vous connaissez bien ?

P. Danel :

Oui, pour avoir, sous d’autres appellations, accompli un travail similaire à Lille, déjà, à Lyon, en Normandie... Et puis, surtout, je connais bien l’orchestre, microsociété complexe où la part de l’humain est très importante.

Sortir : Etre musicien est un pré-requis indispensable pour ce poste ?
P. Danel :
Indispensable, en effet. Il faut aimer la musique, aimer les musiciens, tout en ayant un rapport sain avec eux, qui ne soit pas grevé par quelque jalousie, envie ou autre sentiment négatif.

Sortir : En quoi consiste votre rôle au sein de l’orchestre ?
P. Danel :
Seconder le directeur dans tout ce qui relève de l’artistique. Choix des programmes, des artistes, relation avec les artistes invités. Et du fonctionnement artistique de l’orchestre même. Le directeur est très pris par sa fonction de chef, de son orchestre mais aussi des autres orchestres qu’il est invité à diriger, le rôle du Directeur artistique délégué est donc très important.

Sortir : Quelles sont les joies et les contraintes du métier ?

P. Danel :

La joie de voir aboutir de beaux projets auxquels on a travaillé durant des mois, des années. Les contraintes multiples liées au bon fonctionnement d’un orchestre.

Sortir : Comment fait-on la programmation d’un orchestre comme celui de Lille ?
P. Danel :
En ayant en permanence à l’esprit que ce qui compte, c’est la rencontre entre des artistes et des spectateurs. En respectant les contraintes, matérielles, budgétaires et autres. En étant ouvert à tous les possibles, tout en sachant qu’on ne pourra en réaliser que quelques-uns.

Sortir : Vous avez des points importants qui vous tiennent à cœur et qui vous souhaitez développer dans les prochaines années ?

P. Danel :

Susciter la curiosité, l’envie d’entendre d’autres choses. La redite est respectable, mais c’est un bonheur que de découvrir une musique qu’on ne connaissait pas, et qui nous touche. Il faut pour cela accepter d’ouvrir les oreilles à l’inconnu, et d’être souvent déçu.

Sortir : Quels sont les grands rendez-vous de la saison 2012/2013 ?
P. Danel :
Chaque concert est le résultat d’un long travail, du personnel administratif de l’orchestre, des instrumentistes, j’ai donc tendance à dire qu’il n’y a pas de petit rendez-vous. Mais bien sûr, il ne faut pas manquer la rentrée de l’orchestre sous la direction de Jean-Claude Casadesus avec un incontournable du répertoire, la 9e de Beethoven, et une découverte, Postludium de Mantovani, une musique d’une énergie, d’un dynamisme communicatifs. Tout comme Iris dévoilée, ce mariage pleinement abouti de la musique classique occidentale et de la musique traditionnelle chinoise. Et toutes ces musiques à (re)découvrir. Ces rendez-vous, aussi, avec des interprètes d’exception, tels Laurence Equilbey, Katia et Marielle Labèque, Vadim Repin et bien d’autres. Et puis ce premier rendez-vous dans notre nouvelle salle, en janvier 2013.