Sortir : Le fait de travailler longtemps sur un personnage et une série vous permet-il de mieux le connaître, de mieux l'appréhender et donc de mieux le dessiner ?

Christian Denayer :
Le temps fait que le personnage évolue et que donc le dessin du personnage change lui aussi. Mais en l'occurrence, c'est surtout le personnage qui a changé plus que le dessin. D'abord fermé, Wayne Shelton se révèle petit à petit au travers de ses aventures. L'antagonisme des deux termes qui le définissent prend peu à peu tout son sens : derrière son côté dur, Shelton est aussi un être humain... Après les deux premiers tomes (scénarisés par Jean Van Hamme NDLR), Thierry Cailleteau a repris le flambeau en donnant son approche du personnage.

Sortir : Un tel changement au cous d'une série a-t-il été compliqué à gérer ?

C. Denayer :
Avec Van Hamme, le boulot était très pro, très précis, c'est ce que j'appréciais beaucoup dans notre façon de travailler. Cailleteau est plus brouillon, un peu moins précis dans ses synopsis et moins pointilleux dans les délais. Ce sont des méthodes différentes, mais je suis ravi que Jean Van Hamme ait accepté de revenir pour le prochain tome, c'est quelqu'un pour qui j'ai une grande estime.

Sortir : Est-ce que votre dessin est une force de proposition dans votre démarche de travail ?

C. Denayer
: Je connais maintenant bien le personnage, il me faut donc surtout m'approprier le contenu du synopsis fourni par le scénariste, ce que je fais assez facilement, ne me reste ensuite plus qu'à m'attacher au rendu de l'univers. Mais les échanges étaient relatifs et avec Thierry Cailleteau, pas toujours faciles mais comme je n'aime pas laisser tomber un personnage je me suis accroché. Et puis le dessin est de toute façon un travail largement Wayne Shelton.jpgsolitaire dont on ne sort que lors de la rencontre avec les lecteurs.

Sortir : Et le travail sous la forme d'aventures courant parfois sur plusieurs albums (comme c'est le cas avec La Nuit des Aigles qui clôt un diptyque).

C. Denayer :
C'était en fait un vrai plaisir, sous cette forme, on peut accorder un peu plus d'espace à l'ambiance qui accompagne le récit. Sur 92 pages, la possibilité de dérouler les images est bien plus grande que sur 46, du coup, je valorise aussi un peu plus les recherches graphiques que je peux faire. C'est aussi un moyen de distiller des choses, de semer des indices et de jouer davantage sur la complicité avec le lecteur. Et puis c'est aussi un beau cadeau de la part de l'éditeur qui nous suivi sur ce coup-là quand auparavant, il fallait que nos récits tiennent en un album.

Sortir : Vous en êtes à presque 40 ans de carrière dans la bande dessinée, est-ce que les choses ont beaucoup changé depuis vos débuts ?

C. Denayer :
Wayne Shelton est un héros du XXIème siècle, je ne pourrai plus faire aujourd'hui ce que je faisais avec Les casseurs (une série de Denayer dont l'intégrale est éditée ces temps-ci par le Lombard, autour d'Al et Broc et de leurs péripéties automobiles NDLR). Les dialogues, les sujets et les dessins des bandes dessinées ont beaucoup changé, on aborde chacun de ces domaines très différemment aujourd'hui. Mais je continue à me considérer comme un débutant. Le dessin, c'est mon plaisir, j'apprends quelque chose à chaque nouvel album. Pouvoir collaborer avec quelqu'un comme Jean Van Hamme est aussi une vraie chance.

Sortir : Après tant d'années et tant d'albums, vous restent-ils encore des envies à satisfaire ?

C. Denayer :
Oui, beaucoup ! Mais dans d'autres directions et sous d'autres formes. Je ne me lancerai plus dans une longue série, je n'ai plus le temps ! Je m'orienterai sans doute vers un travail d'ambiance plus approfondi. Mais aujourd'hui, c'est vrai, j'ai acquis une plus grande liberté dans mes choix, j'en suis heureux. Wayne Shelton est pour moi une belle étape.