01-FRAC Bretagne.jpgQuelle a été l'évolution des FRAC ?
Crées en 1982, ils avaient pour mission de constituer des collections sur le territoire national, et de les montrer sur leur territoire régional. Les FRAC ont évolué, bougé, on entre dans une deuxième génération. On compte 22 FRAC en France, qui sont en train de grandir, se sont professionnalisés, au départ soutenus par quelques personnes, ils embauchent maintenant des équipes un peu plus étoffées. Travaillant avec de la matière contemporaine, les cinq FRAC s'installeront dans des bâtiments à l'architecture contemporaine, mais sans abandonner leur mission de montrer leurs collections, les mouvements et prêts d'oeuvres. Seul le FRAC fait cela, sortir sans cesse ses oeuvres de son dépôt. Le FRAC n'est ni un musée, ni un centre d'art, plutôt un laboratoire.

Des FRAC également très différents les uns des autres

Ils montrent l'art contemporain dans sa constitution, les fonds d'oeuvre de demain : dans 20 ou 30 ans, nos collections deviendront muséales, elles devront intégrer les musées tandis que nous continuerons notre travail de précurseur, chacun à notre manière. Grâce à la MAV, nous mettons dans une perpective globale les projets des cinq FRAC : on voit comment sur chaque territoire, les projets se construisent, 05-FRAC PACA.jpgchaque FRAC a son identité ! En 2013, les FRAC auront 30 ans, Marseille, dont le FRAC s'installe dans un ancien quartier en pleine rénovation, sera capitale européenne de la culture, et Dunkerque, capitale régionale. Nous voulons tous évoluer, la tête pleine de projets. Ces nouvelles constructions découlent d'un manque d'espace, mais pas seulement. C'est vrai, c'est un peu contradictoire avec cette mission d'être nomade : dans certaines régions, certains FRAC se veulent plus muséaux, parce qu'il y a peu de musées sur leur territoire. Nous, nous comptons beaucoup de musées, et nous continuerons à y aller !

Quelques mots sur le projet dunkerquois ?
On y retrouve cette double vision, mélange de passé et de futur. Nous allons emménager dans l'AP2, surnommé « la cathédrale », de par sa taille, le seul bâtiment restant des chantiers navals. Les architectes retenus, Lacaton et Vassal, donnent une nouvelle vie à ce bâtiment, par une proposition audacieuse qui nous a tous séduits : au lieu de détruire le volume existant, on double le bâtiment d'une nouvelle forme, identique, et on rend à la population l'ancien hall qui leur appartenait, où ils ont travaillé dur ! Ce hall sera investi par le FRAC, de grandes installations, mais aussi d'événements organisés par la population. Première pierre en septembre, inauguration en 2013. Une maison ouverte, où faire venir le public qui ne vient pas spontanément à l'art contemporain. Entre les deux bâtiments, un pont prolonge la FRAC.jpegdigue, pour piétons et bicyclettes. Le FRAC sera ainsi relié à la ville et à la plage, dans un tout nouveau quartier en construction. Un laboratoire d'action, de production, son défi ? Chercher de nouvelles manières de présenter les oeuvres d'art.

Qui finance ? Faîtes-vous appel à des mécènes privés ?
Pour l'instant, le financement est public. Les architectes ont fait en sorte de présenter un budget réduit, en utilisant des matériaux simples, et s'engagent à le respecter ! 5 M€ État, 5 M€ Région Nord-Pas de Calais et 5 M€ Communauté Urbaine de Dunkerque. Le mécénat va devenir primordial, c'est aussi un partenariat. Le tissu économique ne doit pas être vu que comme pourvoyeur d'argent, mais aussi de public. On doit également penser au fonctionnement, c'est bien d'avoir de beaux locaux, mais il faut garder de l'argent pour les faire tourner. Nous sommes une petite équipe, huit personnes. Nous avons un fonctionnement beaucoup moins lourd qu'un musée : les prêts sont plus faciles, on n'a pas (encore) besoin de restaurateurs...

Un bâtiment qui attirera aussi par son architecture !
Les architectes ont gagné le Prix National, ils s'occupent aujourd'hui du Palais de Tokyo... Ils ont travaillé énormément en dialogue avec nous, c'est très riche, nous aurons des espaces flexibles, la lumière naturelle rentrera dans les salles d'exposition, le bâtiment est bio-climatique, HQE : un système de serre, le toit s'ouvre quand il fait chaud, se ferme lorsqu'il fait froid. Oui, ce bâtiment peut engendrer du tourisme architectural.

Vous allez continuer votre travail sur toute la région, d'amener des oeuvres dans des lieux inattendus, ou vous allez vous replier sur ce nouveau bâtiment ?

Les oeuvres d'art seront partout ! Dès l'extérieur, notre bâtiment lui-même est une oeuvre d'art ! Les 04-FRAC Nord-pas de calais.jpgartistes vont l'investir, ils nous aident à imaginer les salles d'ateliers pour enfants, on pourra s'installer pour feuilleter un livre, boire un café : le public ne viendra pas dans notre bâtiment pour voir des oeuvres, mais pour vivre l'art contemporain et la création ! Tandis que le travail dans les écoles, les partenariats sur tout le territoire, avec les associations, les autres musées, les hôpitaux, va se poursuivre, c'est essentiel ! Le FRAC fait le lien avec toute la création contemporaine sur le territoire, en travaillant en réseau, faisant bouger le public d'un lieu à l'autre. La moitié du bâtiment se consacrera aux réserves : on pourra sortir les oeuvres et travailler dessus, nous souhaiterions mettre en place un post-diplôme en lien avec les écoles d'art, développer un aspect recherche aussi. Je suis intéressée par l'art qui questionne son territoire, et la société humaine. J'aime emmener les oeuvres dans un contexte différent que celui d'exposition. On ne se pose pas la question, cette oeuvre va-t-elle entrer dans l'histoire, mais sur l'ouverture, la liberté, la pensée,... que d'autres personnes alimentent ces réflexions avec leur point de vue. Travail sur la condition humaine.

Y aura-t-il une place pour le spectacle vivant ?
Oui, nous souhaitons croiser les disciplines. L'Opéra de Lille veut faire une pièce spécialement pour le hall de l'AP2. C'est rare un tel volume, on peut citer le Magasin à Grenoble, le Grand Palais, et le 104 à Paris : peu de structures peuvent attirer par un espace d'une telle taille. Le Nord-Pas de Calais le pourra ! On nous compare souvent à la Tate, beaucoup y vont pour découvrir de grandes installations. Et puis l'entrée sera gratuite : venez simplement vous y asseoir, regarder la mer ! A côté, on trouvera un bowling, une patinoire, une auberge de jeunesse, une discothèque... Je veux impliquer les visiteurs, que ce soit interactif. Savoir ce que pense mon public des oeuvres d'art. Et sans cloisonner l'art contemporain. Depuis des siècles , les artistes s'intéressent à ce qui se passe dans la société, seule la manière de présenter a changé !