Du Bic au numérique

Vide. La salle d’expo ressemble à un amphi le vendredi matin. Dans la pénombre, la lumière jaillit des tableaux formant une frise, « comme sur une pellicule », dixit Pascal de Lavergne, le professeur photographe. Et il y en a des négatifs : 73 exactement !
À chaque pan de mur son thème. On cause religion ("Jésus est un DJ"), musique, plutôt "rock’n’roll", filles, plutôt sexy, blagues, plutôt suspectes. On s’esclaffe aussi, même si tout n’est pas drôle, comme ce un chat triste ou cette vache qui « ne rit plus ». Puis vient le conflit : "Au Q Fillon", "Freedom for Tibet", façon combat « manichéen », héritage d'une « culture universitaire de mai 68 ». Les tables se transforment en plateformes d’échanges. Du contact, mais aussi de l’incompréhension, où les propos romanesques ("Utopistes, debout !") côtoient les plus douteux... Pour autant, rien de censuré.

Fidèle à son « devoir de mémoire », l'anthropologue laisse malgré tout place à la fiction à travers la « mise en art » des photos. La sélection, la retouche photo, la disposition de celles-ci, c’est son travail d’artiste. Qu’en retient-il ? « L’angoisse » d’étudiants souvent « paumés », bien loin des « jubilations de mai 68 ». Et s’il a voulu leur rendre hommage, c’est parce qu’ils sont « la dernière génération Bic », avec la prise de pouvoir des tables en formica. Alors, même s’il n’a jamais gravé les tables de la fac, à lui de reconnaître que « graffitis et photographies partagent la même occupation : faire passer le temps en s’appliquant à le fixer ». Pour peut-être éclairer la chambre noire où roupille l’université depuis trop longtemps.