Sortir Bordeaux Gironde : Chorégraphie de la perte de soi va être présentée à Bordeaux au mois de novembre dans le cadre du festival Novart. Cette année, le festival se veut à la jonction du nord et du sud. C'est aussi le cas de votre pièce ?

Faizal Zeghoudi : En tant que chorégraphe d'origine algérienne, je suis rempli à la fois d'une culture occidentale et d'une culture arabo-musulmane. Dans ce sens on peut le dire. Après je ne suis pas convaincu de la pertinence d'appliquer des thématiques à la création artistique...

 

Sortir Bordeaux Gironde : La notion de rapports hommes/femmes est au centre de cette création. Comment l'interrogez-vous à travers la danse ?

F.Zeghoudi : Cette pièce est avant tout une histoire de rapports. C'est l'histoire d'une femme dans un monde exclusivement géré par les hommes. Je me suis beaucoup inspiré pour cette création des vidéos d'une artiste iranienne, Shirin Neshat. Elle travaille sur le rapport compliqué, voire impossible, entre les femmes et les hommes en Iran. Je n'ai pas souhaité porter un jugement, une analyse ou même donner une issue à cela. J'ai voulu avec cette pièce raconter l'histoire de cette femme dans un univers, l'espace public, qui ne lui est pas autorisé. Elle doit donc se façonner un espace de liberté au cœur de cet univers. Sur scène, il y a cinq danseurs et une danseuse, et les danseurs tentent de la faire disparaître de cet espace. Elle n'a alors pas d'autres choix que de mourir ou de se réintégrer en objet de fantasme.

 

Sortir Bordeaux Gironde : Est-ce que ce déséquilibre sexué sur scène, cinq hommes pour une femme, traduit une oppression ?

F. Zeghoudi : Non, justement il n'y a ici aucune oppression. Car cette femme s'approprie cette contrainte, en fait un élément de son quotidien et trouve sa liberté à l'intérieur de cet espace. Ici je ne traite pas le sujet du voile. Ici il ne s'agit pas d'analyse, de prise de position, de regard critique, rien de tout cela. Libre alors à celui qui regarde la pièce de faire sa propre interprétation. On pourrait croire que le groupe l'emporte automatiquement sur l'individu mais ici le groupe est indéterminé, indéfini. L'individu a une identité tandis que le groupe n'en a pas.

 

Sortir Bordeaux Gironde : Chorégraphie de la perte de soi vient d'être créée à Colombes, comment abordez-vous les premières représentations bordelaises ?

F. Zeghoudi : Bordeaux c'est la ville où je me suis installé, où je travaille, c'est ma ville d'attache. J'y porte une intention et un regard particulier. Mais je pense qu'on est jamais en terrain conquis. Cela fait un moment que nous n'avons pas joué à Bordeaux. J'espère que, comme d'habitude, le public bordelais sera au rendez-vous et que ce petit moment d'attente n'aura pas été vain.

 

Sortir Bordeaux Gironde : Votre actualité bordelaise ne s'arrête pas à Novart. Vous serez en résidence au Glob' Théâtre début 2015...

F. Zeghoudi : Oui, nous serons en résidence au Glob' en janvier 2015. Nous y présenterons L'ému de l'horizon, un solo qui évoque l'initiation d'un jeune garçon à la culture arabo-musulmane, très inspiré par le livre Désert, de J.M Le Clézio. Et nous présenterons aussi notre création 2015, que nous commencerons à travailler en décembre, L'étreinte, ce qui nous relie... A l'issue de la création il y a dix jours de représentations au Glob', puis nous partons en tournée en France. En parallèle de cette actualité, Le sacre du printemps est toujours en tournée (avis à ceux qui ne l'avaient pas vu lors de sa présentation à l'Opéra de Bordeaux en 2010, c'est un chef d'œuvre. Ndlr).