Mondes intérieurs

Long John Silver. Un nom qui résonne encore fortement chez tous les lecteurs de Stevenson et que, depuis trois albums, Mathieu Lauffray et son complice Xavier Dorison replongent dans une aventure digne de L'île au trésor. Dans Guyanacapac, le duo conclue en beauté un périple audacieux qui s'ingénie à revisiter l'imaginaire de la piraterie au fil d'un récit maîtrisé et d'une aventure graphique rare. Car si Lauffray s'y entend si bien pour donner vie à des personnages, des lieux et des évènements si forts, c'est qu'il est avant tout un créateur d'images. Qui aime les récits gorgés de souffle d'ampleur et de profondeur trouvera sans aucun doute dans cette résurrection du personnage de Stevenson une série à sa mesure. Portée par des exigences graphique et narrative concordantes et tenue d'un bout à l'autre, cette tétralogie sacrément percutante fera sans doute date.

Pour prolonger la découverte de l'univers de cet artiste décidément singulier, jetez-vous sur Axis Mundi, artbook somptueux et qui, une fois n'est pas coutume, ne se contente pas d'aligner les planches travaillées et les images. Outre une avalanche d'images somptueuses, entre travaux préparatoires, esquisses et croquis traditionnels ou numériques, Mathieu Lauffray relate, explique, précise son cheminement personnel et artistique. Des premières découvertes d'univers fantastiques au fil de l'enfance jusqu'aux collaborations récentes en passant par les amitiés nouées avec des confrères, l'artiste dévoile ses questionnements et ses recherches en expliquant chaque fois sa démarche. Passionnant, diablement instructif (on y découvre les collaborations de Lauffray avec le cinéma de 10000 au Pacte des Loups en passant par The secret et d'autres encore) et emballé dans un ouvrage magnifique, cet Axis Mundi se place largement au-dessus des artbooks trop souvent réduit à de simples recueils d'illustrations. Au fil des pages du livre, Mathieu Lauffray y dévoile sa recherche permanente autour de l'image, de ce qu'elle peut susciter mais aussi de ses limites. Bien plus qu'une approche technique, c'est une démarche sensible traversée par une quête incessante : celle de la transmission d'émotion. Un art dans lequel Lauffray est passé maître. Un maître auquel confrères, amis et collaborateurs rendent également hommage au fil de témoignages qui rythment pertinemment les fenêtres que chaque image reproduite ouvre dans l'esprit du lecteur.