Sortir Bordeaux Gironde : Votre film relate un fait divers qui a défrayé la chronique, la cavale d'un père qui a soustrait ses deux enfants à la justice et à leur mère. Qu'est ce qui vous a attiré dans cette histoire ?

 

Cédric Kahn : La cavale, le psychodrame familial. C'est un western et un mélodrame. Il y a une imagerie western, l'aventure que le père propose à ses fils est hors du réel, c'est presque une fiction, il leur dit « on est des indiens, on va se cacher, changer de nom, vivre comme des rebelles, des hors-la-loi ». Mais c'est aussi la chronique d'un divorce.

 

Sortir : Cet aspect « hors-système » traverse vos films. Dans Une vie meilleure l'accent était mis sur le fait de ne pas parvenir à rentrer dans ce système...

C.Kahn : La question sociale m'intéresse, et dedans il y a la question de la marge. Mais je ne l'ai jamais traitée aussi frontalement. Là c'est vraiment une revendication. Le père est porté par une idéologie. Il pense que ses fils doivent vivre selon le modèle qu'il leur a inculqué, il ne croit pas qu'ils puissent être heureux autrement.

 

Sortir : Paco, le père, ne voit le bonheur que dans le dénuement.

C.Kahn : Il a une idéologie anti-société de consommation. D'ailleurs Mathieu Kassovitz est ici au delà du jeu, plus dans l'incarnation. Le personnage lui va bien, sa radicalité, son côté anti-système. Il pense que l'école est normative, que l'école faite à la maison est plus riche. Il leur apprend en plus des matières classiques les choses de la nature. Après je n'idéalise pas ce mode d'éducation, j'en montre aussi les limites.

 

Sortir : Vous n'avez pas épousé sa philosophie ?

C.Kahn: J'ai une certaine admiration pour les gens qui arrivent à vivre hors-système. Ce n'est pas simple, c'est une vie rude. C'est cette rudesse que fuit le personnage de la mère, incarné par Céline Salette au début du film. Elle veut que ses enfants rentrent dans le système. Ce que je trouvais bouleversant ce sont ces garçons qui sont pris dans un choix terrible - ce que les psychologues appellent le conflit de loyauté - entre leur père et leur mère. Mais ils voulaient leur vie d'avant, en roulotte, avec les animaux. Aller à l'école, vivre dans un immeuble a été un choc pour eux.

 

Sortir : Ça a été compliqué de convaincre les différentes parties ?

C.Kahn : Ça n'a pas été simple. Je voulais l'accord de tout le monde. Ils ont chacun défendu leur position. Il a fallu les convaincre que la seule façon de faire ce film était de n'être du côté de personne. Ils ont au final accepté d'être sur le même carton au générique. C'est déjà une grande victoire.

 


 

Vie Sauvage de Cédric Kahn avec Mathieu Kassovitz et Céline Salette, le 29 octobre en salles.