Quand on ouvre le petit livre de moins de cent pages de Sabine Bourgois, on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre. Quand on le referme, bouleversée, on a traversé les bribes réelles de l’enfance dévastée d’une petit fille qui ne voulait pas voir le temps s’enfuir et qui aurait bien voulu rester sur ses neuf ans pour ne pas oublier cette blessure d’une amitié brutalement interrompue par une mort tragique. Avoir dix ans, c’est ajouter une unité, accepter de grandir à partir du souvenir de la disparition de Cécile et de cette douleur jamais effacée et tellement présente, au point que l’auteur devenu adulte, a ressenti le besoin de faire de cette déchirure le sujet de son second livre avant que sa fille ait neuf ans, dans l’angoisse d’un recommencement. On pense à cette expression « faire son deuil » et l’on se dit que l’écriture nous aide échapper à la fascination qu’exerce le malheur. On songe aussi beaucoup à Pascal Quignard, son auteur de prédilection, à travers cette manière d’utiliser les mots pour prendre le chemin du passé et gratter jusqu’à l’os les souvenirs filtrés par la mémoire ancienne et quelques notes de Schubert. Peut-on guérir de l’enfance ?