Dahai ne supporte pas les injustices. Agacé de voir le capitaine d'industrie de sa province s'en mettre plein les fouilles au détriment des petites gens, il va s'armer de son fusil et traquer ceux qui profitent du système. Ailleurs en Chine, un mercenaire va là où ses contrats le porte, une femme se rebelle contre un machisme exacerbé et un ado ne vit que d'espoirs déçus...

Observateur d'un Empire du Milieu en mutation, Jia Zhang-Ke met bout à bout des morceaux de vies dans ce film choral où s'emboîtent des destins brisés par un société désincarnée où la réussite presque indécente des uns masque la faiblesse des autres. Derrière le patron d'un conglomérat, des centaines d'ouvriers sont exploités. Dans les palaces où se prélassent les puissants, le personnel qui rêve sous les dorures courbe l'échine. Quatre destinées et quatre séquences à la mise en scène puissante et inspirée qui permettent au réalisateur de puiser dans les codes des films de genre, du western, au film d'arts martiaux. Iconoclaste, le cinéaste compose des plans gorgés de couleurs qui contrastent avec la mauvaise fortune de ses personnages. Ça et là, les récits trouvent des correspondances, comme entre la grande figure féminine du film et Dahai, le redresseur de torts. Des personnages qui s'en sortent mieux que les deux autres (le porte-flingues et surtout le jeune idéaliste, qui clôt la galerie de portraits de ces révoltés). Les séquences, découpées de manière inégale, jouent sur la scansion d'un récit longuet par moments. Du coup, malgré la force du procédé et la richesse visuelle, A Touch of Sin, qui ne met définitivement personne sur un pied d'égalité, peine parfois à chatouiller la fibre émotionnelle du spectateur. Alors qu'il nous avait mis K.O la scène précédente. Cruel paradoxe.